Le droit de voler

Publié le par MJPAC-ABT

Cette fois-ci ce n’est plus le droit d’émigrer en France en tant que descendants de tirailleurs sénégalais morts pour la grandeur de la mère patrie colonisatrice. L’affaire des biens mal acquis inaugure une nouvelle ère, celle du droit de voler son pays en tant que prince régent. Ligne de défense quasi identique aussi bien à Brazzaville, à Libreville qu’à Malabo. Quoi d’anormal que des gens dont la carte de visite arbore la mention « Président de la République » depuis des décennies puissent posséder quelques villas cossues, des yachts, des enclos, des plaisances ? La grande vie quoi ! Ce qui permet d’embrayer sur le deuxième volet de la parade à savoir la démarche discriminatoire vis-à-vis des chefs d’Etat africains à côté des possessions éminemment plus onéreuses et plus insolentes des émirs du Golf persique. Un mépris que Sassou se plaisait à retourner à l’impertinente justice française lorsqu’il parlait du « petit juge » de Meaux dont l’ambition est de voir lui, le tout puissant Sassou Nguesso de Congo tout tremblant dans un minuscule box des accusés.
Il y a peut-être une pointe de jalousie chez tous ces activistes français qui s’amusent à compter et recompter tous les avoirs de ces rois nègres qui paradent par intermittences sur le perron de l’Elysée. Sauf que l’argent qui inonde les lieux de plaisir et de jouissance en Occident provient du continent en rade de la mondialisation de l’économie. Sassou sait bien que le petit juge de Meaux est contribuable d’un pays auquel son gouvernement a régulièrement recours lorsqu’il s’agit de faire jouer la fameuse solidarité internationale. Ou lorsqu’il faut offrir un peu de pitié aux abandonnés des léproseries, des orphelinats ou des camps de réfugiés de l’Afrique centrale. On doit bien des explications à des gens qui voient périr en mer à chaque actualité du matin des dizaines de jeunes africains fuyant la misère alors que leurs dirigeants organisent des banquets, caviar et champagne au menu sur des péniches de luxe. Ecoeurant pour un bronzeur de la Côte d’Azur de découvrir sur un écran de télévision un de ses voisins de pavillon dans le rôle du mendiant passionné décrivant la misère de son peuple qui meurt de paludisme, de choléra à un sommet du G 20. L’amour propre suppose de lourdes responsabilités. Il suffisait à ces princes d’Afrique de tronquer le discours de quémandeur contre des pactes républicains fondé sur la loi, l’ordre, la justice et la transparence avec leurs compatriotes. Yayi ne risquait pas de se faire taper sur les doigts par des fonctionnaires du Fmi si son gouvernement ne courait pas après l’aide budgétaire directe. Le simple fait de solliciter cette aide donne aux partenaires au développement le droit de poser des questions sur la non budgétisation des fonds de l’escorte des véhicules d’occasion, les primes transformées en instrument de propagande, la pléthore de ministres, les distributions de jetons dans les couvents, les lieux de prières et aux courtisans…
L’inquiétude autour de l’arrêt du juge d’appel de Paris rejetant la possibilité de poursuivre les présumés propriétaires de biens mal acquis se justifie amplement. La consécration du droit de piller les ressources publiques africaines est une très mauvaise nouvelle pour tous ceux qui rêvent de liberté et de paix sur le continent. Imaginez un relâchement de pression de cette sorte de morale internationale ! Les victimes de Dadis Camara, Omar El Béchir, Hisseine Habré, Charles Taylor et autres Fodé Sankho ne pourraient jamais retrouver la paix intérieure sans cette pression de la communauté internationale. En Corée du Nord ou en Iran, les dictateurs envoient des fusées dans l’espace et s’activent à matricer la technologie nucléaire. Quid de la Chine qui sans être un modèle de protection des droits de l’homme tient en respect toute l’économie mondiale avec son milliards et plus de consommateurs. En Afrique, les oppresseurs rêvent de paradis fiscaux, de vices et de fraudes électorales.
Des défenseurs du droit au vol, au pillage et à l’asservissement de l’Afrique…

Arimi Choubadé
http://arimi.freehostia.com

Publié dans Faits divers

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