Suite au putsch royal à Abomey : Dédjalagni recuse, Houédogni menace (Lire les réactions de quelques Aboméens)

Publié le par MJPAC-ABT

Suite au rebondissement intervenu dimanche dans la crise royale à Abomey, les deux rois Dédjalagni Agoli-Agbo et Houédogni Béhanzin sont montés au créneau pour dire leur part de vérité et balayer d’un revers de la main les prétentions de Dada Kpannan Adoukounou Agonglo. Il lui est même contesté, selon Dédjalagni Agoli-AGbo, le titre de roi. Celui-ci ne serait tout au plus que chef traditionnel, c’est-à-dire, Dah.
Tout en restituant l’histoire, le roi Dédjalagni Agoli-Agbo tente de démontrer pourquoi Kpannan Adoukonou Agonglo ne peut ni le destituer ni prétendre au trône royal : « Je respecte beaucoup la famille Adoukonou, plus précisément le père de celui-là qui se prévaut de prérogatives conférées par la tradition pour vouloir nous destituer et occuper le trône central du palais de Ouéhondji. Mais, il va de dérapage en dérapage. Car, selon ma compréhension, il n’existe pas de Dada (roi) Kpannan. Kpannan est le fils du roi Agonglo, mais qu’il ne nous laisse pas dire ce que le roi Agonglo a défendu. Parce que chaque famille a ses secrets. Il y a des choses qu’on ne doit pas dévoiler. Mais, s’il se permet de mettre son doigt dans notre bouche, beaucoup de choses sortiront. Il y a eu douze (12) rois dans ce Danhomè. Donc, s’il ajoute un 13ème, un 6ème ou un 5ème, je ne sais vraiment où classer celui-là. Je sais que lorsqu’il y a eu la révolution du palais, après le décès du roi Agonglo, il y a eu remue-ménage. Deux importantes personnalités dans la vie du Danhomènou que nous sommes, c’est-à-dire, Chahounka, (le Mito du roi Agonglo) puis Voglossou qui ont tenu le royaume pendant plusieurs mois avant qu’on ne puisse trouver une solution, précisément avant que Adandozan ne soit intronisé. En ce moment, tous deux n’avaient véritablement pas l’âge de responsabilité. Ce sont les deux là appuyés par Gansè qui ont joué le grand rôle dans ce Danhomè. Après, il y a eu coup d’Etat de palais et dans cette affaire, Adoukonou a joué un grand rôle, parce que de même mère que Adandozan, il a cautionné qu’on renverse son frère. C’est en reconnaissance à cela que le roi Guézo l’a autorisé à venir en hamac ou en pousse-pousse au palais central pendant les cérémonies dites « Gandahi » ; des cérémonies qui durent environ trois mois. C’est le privilège qu’on lui a donné. Mais qu’il n’outrepasse point cela. Le roi Guézo n’a jamais dit que Kpannan est « Dada », c’est-à dire roi. Il peut tromper ceux qui ne connaissent pas l’histoire de notre royaume. Mais, moi, personnellement, fils du roi Agoli-Agbo, plus précisément fils du roi Tognanhossou, il ne peut pas me tromper. Ca veut dire qu’il doit revoir sa copie. Car, il n’existe pas de roi Kpannan. Il dit qu’il a mis fin à nos activités depuis le 31 août et curieusement, c’est le 23 septembre qu’il vient parler de notre destitution. Que pouvez-vous comprendre à cela ? Nous ne détenons pas nos pouvoirs de lui. C’est celui qui nomme qui retire. Il ne m’a pas nommé. Il ne sait pas quand j’ai été installé. Je ne crois pas que Adoukonou puisse me destituer ». Pour sa part, Houédogni Béhanzin se fait menaçant. Il explique que « d’autant plus que les responsabilités ont été confiées à Dah Mèlé, et ce dernier étant à pied d’œuvre, il n’est pas question que quelqu’un s’autoproclame roi. Je pense que cela provoquera des troubles à l’ordre public. Le palais de Ouéhondji a été construit par le roi Béhanzin pour son père Glèlè. Aucun descendant de Béhanzin n’acceptera que ce palais soit occupé par un étranger. Ce sera la guerre à Abomey. A César, ce qui est à César. Si réellement ce palais a été confié à Béhanzin en 1875, Glèlè a réuni tout son peuple pour remettre le pouvoir au roi Béhanzin et c’est lui-même qui a construit le palais de Dohoumè. Imaginez que vous êtes chez vous et un voleur vient vous surprendre. Qu’allez-vous faire ? Ce sera la guerre. Le premier qui entrera dans ce palais, nous aura dans son dos ».

Quelques réactions

Djoblosky Agonkan, fonctionnaire à la mairie d’Abomey
“Si on suit tout ce qui s’est passé jusqu’à maintenant, c’est que les rois Houédogni Béhanzin et Dédjalagni Agoli-Agbo ont déjà fini leurs mandats respectifs. Mais il se fait qu’à cause des questions de succession, on ne sait plus ce qui se passe. Et la conclusion qui s’impose, c’est qu’il y a deux rois à Abomey. Si la crise persiste, c’est surtout à cause des intérêts. Quand une personnalité arrive à Abomey et rend visite aux deux rois et leur distribue des présents, il ne faut pas s’attendre à ce que d’eux-mêmes, ils décident de partir et de se conformer aux exigences de la royauté ; parce qu’il n’est pas question que nous ayons deux rois à Abomey. La réaction de Dada Adoukonou vient alors jeter un pavé dans la mare et je voudrais croire qu’il utilise une stratégie dont la finalité est de forcer les autres à s’entendre. Car, avouons-le, la royauté s’est déjà déterminée par rapport aux descendants du roi Glèlè. Et c’est le fils de Agonglo, le roi Guézo qui avait déclaré que la royauté s’arrêtait sur les fils de Glèlè. Ils sont seuls à avoir la possibilité de siéger au palais central de Ouéhondji. Alors, il faut que les fils de Glèlè s’entendent. Sinon, c’est normal que d’autres veuillent les forcer à le faire. Encore que, comme vous le constatez, les rois sont dans leurs palais privés. Ca n’a pas de sens. Véritablement, n’est roi du Danhomè que celui qui occupe le trône du palais Ouéhondji. Dans ces conditions, il faut que les protagonistes de la crise comprennent que tout est en péril. Voyez-vous, les Vodouns s’allient à l’un ou à l’autre et tout est profané. La jeune génération n’en garde pas forcément une bonne image. Nous voulons voir à travers notre tradition, le signe d’une forteresse solide. Donc, tant que les choses se passeront comme ça, l’image de la royauté sera toujours traînée par terre.

Mais, je voudrais rappeler que déjà, le lundi, le conseil communal d’Abomey avait réuni toutes les têtes de lignées, c’est-à-dire les « assiata », les chefs cantons, qui sont tous les fils de Glèlè, les représentants des rois Houédogni et Dédjalagni pour les amener à trouver une solution idoine à cette crise qui a trop duré et qui fait tant de mal à notre cité. A l’issue de cette rencontre, deux comités ont été installés. Il y a une structure restreinte composée de Dah Adoukonou, de Dah Mèlé, de Dah Kpomalègni et des chefs cantons qui mènera la réflexion et proposera des solutions idoines qu’un comité large se chargera de valider. Cette structure restreinte dispose d’un mois pour faire connaître et valider les résultats de ses travaux »

Gabin Djimassè, conseiller communal et homme de culture
« Quand il s’est agi de trouver une solution à cette crise, la situation a été politisée. Ce qui a fait que les cartes ont été totalement embrouillées. Mais, en dehors de cela, je pense que le fruit est mur, car le Chef de l’Etat a vainement tenté d’aider à trouver une solution adéquate. La vérité est qu’elle est la cause de dommages énormes pour la ville d’Abomey. L’âme du royaume, c’est d’abord le cultuel. Le pouvoir du Danhomè repose sur le cultuel ; le temporel venant après. Quand tu as le pouvoir temporel sans le spirituel, tu n’as rien. Le pouvoir spirituel dans le Danhomè est géré autrement que partout ailleurs au Bénin. Dans le Danhomè, aucun prêtre, quelque soit son pouvoir ne peut se lever pour aller faire des déclarations publiques ou faire des choses en son nom propre. Lui-même en tant que tel n’existe pas. Il n’existe qu’à travers le roi. A partir de là, toutes les cérémonies qui se font dans le Danhomè pour le bonheur, la paix et un monde sans catastrophes est bloqué depuis qu’on a commencé par parler de deux rois. Tout le monde était donc préoccupé et c’est cette préoccupation qu’exprime Dah Adoukonou qui incarne bien sûr Kpannan de la lignée Agonglo. Il veut dire par sa réaction que s’il n’y a plus personne pour trancher la crise, moi, je me propose de le faire. Vous savez tous que je ne peux pas être roi. Mais, je dis que tous ceux qui se discutent le trône sont tous désavoués et je peux organiser la suite. Il a écrit au maire qui a fait copie de sa lettre à tous les élus. Nous avons été chez lui pour l’écouter. Mais nous lui avons demandé s’il connaît ses protagonistes et que cela ne lui sera pas facile. Il a répondu qu’il est prêt pour tout. Lundi, nous avons convenu d’u ne rencontre qui a pu se tenir et à laquelle ont pris part tous les chefs de lignées, les chefs cantons, qui sont tous les fils de Glèlè dont Mèlé Glèlè qui est le « assiata » des Glèlè – celui là qui devrait avoir tout réglé mais qui a été complètement noyé et débordé par la question parce que chacun lui fait des reproches pour son incapacité à démêler l’écheveau. Personne ne dispute aux enfants de Glèlè le trône. Si ce n’est pas un Béhanzin, c’est un Agoli-Agbo, c’est un fils de Glèlè. Toutes les autres lignées reconnaissent que le pouvoir du Danhomè a échoué chez les fils de Glèlè. En vérité, je ne pense pas qu’il faille jeter l’opprobre sur Adoukonou car, il a démontré qu’il est préoccupé par la situation. Mais, il n’a pas trouvé la formule qui vaille. Car, les autres ne peuvent jamais accepter qu’il les traite comme des moins que rien. Ils occupent des sièges sacrés et portent les noms de rois régulièrement couronnés. La bonne formule aurait consisté à aller vers eux pour négocier. L’essentiel aujourd’hui est qu’ils nous sortent un roi de consensus. Car, depuis tout le monde nous regarde comme étant la source des troubles. C’est parce qu’il y a eu deux rois à Abomey que partout au Bénin, on a commencé à en avoir plusieurs. C’est ce que les autres nous reprochent. Donc, il va falloir que nous laissions cette commission faire librement jusqu’au bout son travail. A partir du moment où la majorité va pencher d’un côté, force doit rester à la loi. Ca a toujours été comme ça dans le Danhomè. Quand on prend l’histoire des règnes depuis Houawé jusqu’à ce que Houégbadja vienne créer son royaume, ça n’a jamais été facile. Dans le Danhomè, le pouvoir a toujours été âprement disputé. Ces tensions ne sont donc pas de nature à nous faire peur. Quand la majorité va choisir son camp, certains vont bouder mais ils retourneront dans les rangs. C’est du déjà vu ».

Dah Désiré Agbidinoukoun, Ancien commissaire de police et chercheur en histoire
« La crise semble subir une certaine métamorphose avec le passage du bicéphalisme au tricéphalisme. Je dois à la vérité de dire que l’accesion au trône dans le royaume du Danhomè suit des normes précises. Nous sommes en démocratie, mais je ne vois pas que quelqu’un puisse venir aujourd’hui s’afficher en troisième larron. Je voudrais m’appuyer sur des données historiques pour appuyer mon argumentaire. Le roi Guézo disait un jour qu’avant que le combat n’atteigne une phase cruciale, il interviendrait comme arbitre et à coups de chicotte. Cette réputation lui a collé. Aussi, semble-t-il opportun de rappeler que c’est le roi Guézo, qui, en reconnaissance des services rendus par son frère Adoukonou, lui a octroyé des concessions dans les rangs des notables. Il lui a permis de porter le titre et les attributs de roi dans la zone de Sohouè. Celui-ci avait aussi reçu le pouvoir de régler les conflits entre les fils d’Agonglo à charge pour lui de rendre compte. Il s’agissait bien sûr de prérogatives limitées territorialement à Sohouè, un quartier du Danhomè. Aussi, Guézo, opposant de Adandozan, se devait de reconnaître à Adoukonou le rôle que celui-ci a joué dans son accession au trône. Adoukonou et Adandozan étant des frères de mêmes père et mère, l’histoire reconnaît que le premier a lutté contre le deuxième afin que Guézo accède au trône. Le roi Guézo n’avait donc que deux principaux amis, à savoir, Fransisco de Souza dit Agossou Chacha qui l’avait aidé à ramener à Abomey sa mère entre-temps vendue comme esclave par Adandozan. Donc, le titre dont se réclame aujourd’hui Dada Kpannan a été effectivement attribué à Adoukonou par le roi Guézo, mais qui n’a de valeur que par rapport au quartier Sohouè. Donc, il n’est pas qualifié pour régler le problème de la succession au trône de Houégbadja. Béhanzin et Agoli-Agbo devaient s’entendre pour que l’un passe avant l’autre. La faute à cette situation incombe aux colonisateurs qui ont remplacé Béhanzin sur le trône du Danhomè par son ministre de la Défense Agoli-Agbo. C’est depuis cette époque que les enfants de Béhanzin et ceux de Agoli-Agbo se disputent le trône royal. Ce qui a fait traîner les choses jusqu’à ce jour, c’est que les deux rois Houédogni et Dédjalagnin ont une ambition dévorante du pouvoir. Aucun des deux ne veut lâcher et il leur manque surtout la culture de l’humilité ».

Francis-Hervé SANOUSSI
Journal AUBE NOUVELLE  30/09/09

Publié dans Politique nationale

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