Qu’attendez-vous du prochain président ?
A 10 mois de l’élection présidentielle de 2011, la campagne qui a démarré précocement s’amplifie. Mais les débats d’idées sont rares. Alors La Croix du Bénin invite les citoyens à exprimer leurs préoccupations. Elles seront présentées aux candidats à la présidentielle de 2011 sous forme d’une série de lettres. Nous publions ici à nouveau la première de ces lettres.
LETTRE n°1 AUX PRESIDENTiableS de 2011
Depuis la désignation du candidat unique de l’Union fait la Nation pour la présidentielle de 2011, il est permis d’affirmer que, à moins d’une situation exceptionnelle mais toujours possible, le tiercé d’où devrait sortir le prochain Président de la République est quasiment connu. Dès lors, il est permis de commencer à leur adresser des messages par rapport aux préoccupations des Béninois, qui à notre humble avis, mériteraient de leur part une attention particulière.
Les messages
Les messages aux présidents potentiels seront relatifs à toutes les questions qui paraissent, à nos yeux, importantes pour la qualité des élections de 2011, le maintien de la stabilité politique, la consolidation de notre démocratie naissante, et au-delà. Ces messages ont pour objectif principal de rappeler à ces concitoyens qui aspirent à la magistrature suprême, les préoccupations sur lesquelles des positions claires sont attendues de leur part.
Ce message aux présidents potentiels, le premier de la série, n’aborde aucune préoccupation en particulier. Son principal objectif est surtout pédagogique, en ce qu’il sert essentiellement à indiquer et à illustrer la démarche qui sera suivie pour les messages à venir, dans un style assez direct. Le voici donc.
Le premier message
Chers présidents potentiels de 2011, vous savez que l’âpreté du combat politique auquel vous vous adonnez pour présider aux destinées de ce pays est telle qu’il en résulte une tension particulièrement vive dans le pays, des passions exacerbées, dans un contexte où tous les coups semblent permis. Eh bien, d’ores et déjà, sachez aussi qu’à partir de ce moment où vous êtes quasiment tous identifiés, même si rien n’est figé, vous avez le devoir impérieux de vous donner les moyens de rassurer le peuple, au moins chacun en ce qui le concerne, et de l’éclairer dans le choix que vous lui proposez, le vôtre ; tout en espérant que ce choix soit, au-delà de vos espoirs et prétentions fort légitimes, le choix le meilleur pour notre cher pays.
Le passé
Vous devez rassurer le peuple par rapport au passé puisque chacun de vous en ce qui le concerne, président en exercice ou en devenir, a, tout de même, un passé politique. Il s’agira pour vous d’être en mesure, en assumant votre passé par rapport aux actes et comportements qui ont pu gêner, inquiéter ou même effrayer, de dire au peuple, d’une façon crédible et convaincante, pourquoi à l’avenir les choses ne pourront que se passer différemment. Autrement dit, il s’agira de démontrer que vous avez appris de vos erreurs et en avez su en tirer les conséquences. Vous devez vous donner les moyens de nous convaincre, nous tous vos concitoyens, que les erreurs du passé ne reviendront plus. En guise d’illustration, prenons la question de la corruption autour de laquelle l’unanimité semble réalisée dans l’opinion.
Par rapport à cette question, le débat aujourd’hui, jusqu’au sein des acteurs politiques eux-mêmes, ne porte plus sur la question de savoir si elle a été ou est pratiquée sous tel ou tel autre président du Bénin du Renouveau démocratique ou non. Le débat se situe plutôt au niveau de l’ampleur de la corruption, avec les membres de l’administration de tel président accusant ceux de l’administration de tel autre président de l’avoir pratiquée plus qu’eux. Pourtant, tout le monde devrait être d’accord sur le fait que, dans un pays aux ressources extrêmement rares, il est difficile de définir le niveau de corruption acceptable par le peuple et, en quelque sorte, raisonnable ou tolérable pour le pays.
Il est nécessaire de rappeler, ici, que votre comportement personnel pendant la campagne électorale peut être un signal palpable et très crédible de votre capacité et de votre détermination à lutter contre la corruption. En effet, les arguments que vous développez pour vous attirer la sympathie des électeurs, notamment les arguments en espèces sonnantes et trébuchantes, ainsi que le niveau de financement de votre campagne électorale, parleront plus que vos discours les plus éloquents et vos professions de foi les plus belles, en ce qui concerne votre projet futur de lutte contre la corruption si vous étiez élu président de la République.
Le futur
Au-delà du passé, vous devez également rassurer le peuple et l’éclairer par rapport à l’avenir dans la mesure où, quelle que soit votre position aujourd’hui, c’est à vous qu’il incombera demain la très haute charge, si les suffrages de vos concitoyens vous en donnent l’indispensable visa, de conduire les destinées de ce pays. Vous devez donc vous donner les moyens, là-encore, de convaincre de manière réaliste et crédible le peuple par rapport à ses craintes et appréhensions vis-à-vis de l’avenir, craintes et appréhensions grandissantes. Vous devez donc, par vos actes, vos propos, propositions et jusque dans vos comportements et attitudes d’aujourd’hui, lui apporter la preuve que son avenir ne peut qu’être meilleur par rapport à son présent. Illustrons ceci également par un exemple.
Les inquiétudes et appréhensions au sein de l’opinion par rapport aux risques de tensions et de violences durant la période électorale qui approche sont visibles. Que ses sentiments soient fondés ou non n’est pas la question. Il vous revient, à vous figures de proue des différents groupes politiques qui s’engagent déjà dans la bataille pour les élections de 2011, de rassurer le peuple à travers non seulement ce que vous dites et direz, mais encore et surtout par ce que vous faites et ferez. Ainsi, vous lui montrerez et le convaincrez qu’il n’a rien à craindre. C’est à vous qu’il appartient prioritairement d’adopter les postures qui réduisent le potentiel «conflictogène» de certains thèmes délicats tels que le régionalisme, l’ethnocentrisme, etc. qui se retrouveront d’une manière ou d’une autre au centre des débats pendant la période électorale. Sur tout ceci, faut-il le dire, il ne s’agira pas de jouer la comédie plus ou moins habituelle, ni de feindre ou encore de «faire l’âne pour avoir le foin». Ca, non! De ça, les populations n’en veulent point : depuis nos indépendances, elles ont déjà donné assez de foin et aucun de vous n’en ressort indemne, quel qu’ait pu être son niveau de responsabilité, d’une manière ou d’une autre. Il s’agit d’être véridique, d’être vrai, à présent, sans jeter la pierre aux autres.
Chers présidents possibles de l’an 2011, voici, en guise d’introduction, et en attendant de revenir sur des préoccupations plus spécifiques, le premier message que nous vous envoyons.
Mathias Hounkpè
Lettre aux présidentiables de 2011
Suite à l’enthousiasme qu’a généré la lettre adressée aux candidats à la présidentielle de 2011 sous la plume du politologue Mathias Hounkpè, votre hebdomadaire La Croix du Bénin vous invite à lui faire part de vos préoccupations importantes pour enrichir par une méthode participative l’initiative de la série de lettres à adresser aux présidentiables de 2011.
Ecrivez-nous par tous les moyens (mails, Sms, Poste…) aux adresses suivantes :
01 BP 105 Cotonou, C/555 derrière l’église Saint Michel de Cotonou
E-mail : contact@lacroixdubenin.com
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Journal LA CROIX DU BENIN 04/06/10